Portrait d’une jeune fille en feu 

D’un côté il y a Clover, la blonde en rouge, extravagante et obsédée par les garçons. De l’autre, c’est Sam, la rousse en vert super intelligente et mature pour son âge. On pourrait croire qu’il reste de la place pour un troisième personnage… Et pourtant, pourquoi était-il aussi difficile de s’identifier à elle ? Et ce, alors qu’elle représente le seul personnage principal racisé et qu’elle n’a pas un caractère franchement horrible ? 

Alex est présentée comme le personnage le plus vulnérable et le plus sensible de la série. Quand Clover a de la répartie et Sam réponse à tout, Alex fait pâle figure. Elle pleure beaucoup, est un peu dramatique dans ses réactions et a même besoin d’une peluche pour se sentir en sécurité. Alex réussit aussi à rentrer dans la catégorie des personnages féminins qui mangent beaucoup (et souvent mal) mais qui ne prennent pas un gramme (Rory et Lorelai Gilmore, on vous parle). 

Et malgré ces attributs, elle coche également la case du « garçon manqué ». Cheveux courts et très athlétique, elle porte souvent des chaussures de sport quand ses copines sont, elles, plus attirées par les talons. Elle est aussi bien plus maladroite que Clover ou Sam et parfois carrément à côté de la plaque. On pourrait croire qu’on en a fait un personnage complexe et intéressant pour l’identification. Or, il semblerait plutôt que les créateurs en ont fait une chimère qu’on a envie de secouer très fort pour lui dire d’arrêter. 

Cerise sur le gâteau, Alex est un des seuls personnages clairement racisés qu’on croise à la fois dans les missions des filles et au sein de leur vie quotidienne à Beverly Hills. Alors quand, en plus de tout ça, on ne nous donne aucune information sur son origine si ce n’est de nous lâcher vaguement le nom de sa mère (Carmen), on se demande bien l’idée qu’il y a derrière tout ça. Alex est-elle uniquement le faire-valoir de ses copines ?



She’s all that 

Et pourtant, à notre grand âge, presque 20 ans après les premiers visionnages de la série d’animation, on doit bien s’avouer qu’il y a quelque chose qui cloche. Breaking news pour celleux qui n’y ont pas pensé depuis longtemps : c’est Alex le meilleur personnage de la série. Exit le carré blond et l’obsession malsaine autour des garçons, exit les long cheveux roux de Sam et son côté je-sais-tout. Finalement l’espionne à laquelle on s’identifie le plus maintenant n’est autre que l’espionne qui doute le plus d’elle-même. La plus vraie. 

Dans l’épisode 19 de la saison 2 (on vous a dit qu’on allait parler sérieusement), Alex commet de plus en plus d’erreurs lors de ses missions. Elle perd confiance en elle et souffre d’un vrai de vrai syndrome de l’imposteur. Rien ne s’arrange lorsque Britney, une nouvelle espionne, rejoint l’équipe et se montre archi efficace. C’est too much pour notre pauvre Alex qui préfère lâcher l’affaire et démissionne de son poste. (Attention spoiler) C’est finalement elle qui viendra sauver l’équipe grâce à son projet de science. Britney la remerciera d’ailleurs pour son aide et son inspiration qui feront d’elles une meilleure espionne. Bref, une meuf 100% comme nous pour qui l’amitié est archi importante et qui en oublie même son projet de science sur le chemin. 

Alex est en réalité un des personnages les plus « humains » de la série animée. Avec ses (faux) défauts et son côté imprévisible, elle nous ressemble finalement de plus en plus au fur et à mesure des années. Sa sensibilité exacerbée est un modèle de vulnérabilité saine pour nous et sa différence par rapport aux deux autres nous montre comment être vraiment unapologetic malgré la pression sociale des autres. On a bien réfléchi et on pense avoir définitivement changé de team. 



Risky business

Vous vous demandez peut-être ce qui nous arrive et pourquoi est-ce qu’on a décidé de se concentrer autant sur les Totally Spies et particulièrement sur le personnage d’Alex. C’est quoi le rapport ? 

Alors qu’on exige de partout des modèles de représentation, il est important pour nous de se souvenir également de ce que nous avons eu à notre portée quand nous étions plus jeunes. Les Totally Spies ne sont qu’un dessin animé parmi tant d’autres qui ont montré des jeunes femmes fortes, indépendantes mais qui n’ont pas échappé à une ribambelle de clichés (W.I.T.C.H., Winx Club, Code Lyoko, etc.). Pour comprendre les nouveaux modèles que nous exigeons, nous devons comprendre ceux que nous refusons à présent. 

Bye bye les personnages dont on moque ouvertement des caractéristiques dites féminines ou masculines car elles ne correspondent pas au bon genre. Bye bye les personnages ouvertement racialisés dans les dessins animés mais qui font office de token racial pour que les petites filles non-blanches puissent s’y identifier (mais du coup être un peu frustrées en même temps, croyez-nous). On cherche maintenant à valoriser celles qu’on a trop souvent laissées de côté (*side eye* Tecna du Winx Club) et à pousser pour la création de nouveaux modèles un peu moins parfaits mais tout aussi réjouissants. 

Et puis tant qu’on y est, on tente d’intéresser les jeunes enfants autour de nous à regarder d’autres types de dessins animés que ceux qui mettent en scène plein de fétiches seggsuels à la fois.